Alors que l’Agence Intermutualiste (AIM) vient de sortir son Baromètre hospitalier où elle évoque deux études sur les suppléments d’honoraires en imagerie médicale et radiothérapie ambulatoires, le Dr Bejjani, président de l’Absym Bruxelles, fait le point sur ce dossier à différents niveaux.
«Sur base du communiqué, il est incontestable que la facture augmente pour le patient. C’est très regrettable. La pression restera dans ce sens tant qu’il n’y a pas de réformes courageuses. Je demande des réformes plus rapides et sérieuses sur le financement des hôpitaux à la pathologie et la clarification des frais maximum que l’on peut prélever sur les honoraires. Il faut pouvoir évoluer sur un système plus efficient. Nos efforts doivent être concentrés sur l’accessibilité et la qualité et pas sur le volume.»
«Ne pas s'attaquer aux médecins en comparant des pommes et des poires»
Dans ce rapport, certains éléments manquent d'analyse sérieuse selon lui et sont toujours présentés pour «casser» le médecin, du médecin-bashing récurrent: «Cette présentation à charge des médecins est souvent agaçante. Je constate que l’on compare des pommes et des poires pour faire sensation. On ne peut pas comparer des factures complètes en chambre particulière versus 304 euros en chambre commune, parce qu’on compare des factures avec des pourcentages de suppléments sur un total par rapport à la facture du ticket modérateur du patient (304 euros) sans préciser le total du remboursement... Cela ne peut pas être fois 8, comme le dit ce rapport... mais fois 1 ou fois 2. Par ailleurs, cette étude ne tient pas compte de la part des prélèvements sur les suppléments ni de la part du prix des chambres dans cette facture.»
«Des suppléments d'Etat»: un scandale!
Une autre problématique lui pose question: «On parle de 1,32 milliard de complément de facturation à charge du patient. Dans cette somme, si on suit la logique des chiffres présentés (1/3 de ticket modérateur et sur le restant une partie de frais du non-remboursable hors suppléments ) il y a 724 millions d’euros ( soit 55% de cette somme ) qui est dûe à ce qui n’est pas remboursé par l’Etat. C’est du supplément d’Etat et ce n’est pas acceptable si on veut améliorer l’accessibilité aux soins. Il n’y a que 45% qui est donc facturées comme suppléments d’s honoraires, dont certainement une partie qui est le prix de la chambre et puis sur cette partie une énorme partie qui est prélevée par les hôpitaux ( et pour une part pour financer ce qui est nécessaire aussi aux soins ). Il y a donc moins d’un quart de la somme qui revient dans la poche des médecins, alors que c’est toujours sur les médecins que l’on fait porter cette responsabilité, alors que le secteur est sous financé pour utiliser le langage commun. Il n’est plus admissible qu’une partie tellement élevée soit non remboursée en terme de ticket modérateur ou de non remboursable etc....Ce n'est pas normal non plus qu’il n’y ait aucun contrôle sur les prix des chambres et sur les prélèvements ( dont le prélèvement sur les suppléments d’honoraires) des honoraires des médecins. Nous demandons ces chiffres, les masses concernées, les moyennes, et les sommes par palier (de 100%) et par secteur de soins. «On attend ces chiffres pour avancer»
Trois points essentiels
En lisant ce rapport, il dégage trois points essentiels: «L’Absym plaide depuis 2018 je pense, pour un plafonnement des suppléments par admission pour donner une protection au patient et rendre cohérent le système de l’assurabilité ( quand le risque maximal est connu, les primes progressent moins). Par ailleurs, l’Absym plaide aussi pour qu’il n’y ait plus de lien à la chambre mais par rapport au statut du médecin par rapport à la convention qui est clairement affiché partout. Enfin, l’Absym soutient certainement l’estimation des prix à donner au patient et qui doit devenir obligatoire je pense. Nous remarquons de façon inadmissible d’ailleurs que les pires ne sont pas ceux qu’on vise. Il y a un cumul des avantages dans certains hôpitaux universitaires où des médecins salariés et conventionnés peuvent facturer aussi des honoraires supplémentaires, selon le choix le chambre. Je rappelle que ces mêmes hôpitaux concentrent le plus d’assistants médecins (qui ont des petits salaires alors qu’ils génèrent des honoraires importants pour leurs maitres de stage et services). Et enfin, ces mêmes hôpitaux, ont aussi reçu en 2023 un soutien financier des autorités et du gouvernement pour soutenir l’indexation des salaires des médecins, alors qu’en même temps on nous demande de dégager des marges d’appropriate care sans avoir le droit de décider où ira l’argent. C’est encore du budget des médecins, pour financer ailleurs, sans beaucoup de co-gouvernance!»
Pour lui, il est vraiment temps d'évoluer: «Le lien des honoraires des médecins au choix de la chambre n’a plus de logique du tout.»
La question complexe de l'imagerie
Enfin, il aborde la question de l'imagerie et de la radiothérapie ambulatoires: «La pratique est différente entre les hôpitaux. Certains y vont avec beaucoup plus de modération que d’autres et notamment au sud du pays. Probablement que certains médecins tiennent compte de la réalité sociale et des capacités financières des patients. Je comprends que l’intention des mutuelles est de protéger les patients et qu’il faut qu’il ait le choix (comme en hospitalisation ou chez le médecin en ambulatoire). C’est au secteur de proposer lui-même des mécanismes de protection du patient et une solution au problème. En effet, de mon point de vue de spécialiste hospitalier, il ne peut pas y avoir de discrimination dans la pratique hospitalière, certains qui dépendent du choix de chambre et d’autres pas. Dans ce secteur, il n’y a pas vraiment de choix possible pour le patient ambulant. Le secteur doit donc proposer quelque chose qui permet une certaine modération tout en respectant le droit des médecins non conventionnés de pouvoir assurer dans la transparence les conditions dans lesquels ils pratiquent les suppléments», précise à titre personnel le Dr Bejjani.
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