« Il manque un débat sociétal sur l’échange de données médicales »

L’informatisation du secteur des soins de santé, qui repose sur le principe d’échanges accrus de données dans l’intérêt de la prise en charge, est en marche sans avoir fait l’objet d’un réel débat public, estime le GBO. Il en appelle à un examen éthique, déontologique et juridique de cette évolution, avec auditions ou implication de praticiens. 

Tout récemment, Maggie De Block se félicitait que le compteur des consentements au partage de données médicales ait franchi la barre des 5 millions. Quel citoyen irait de prime abord répondre « non, merci, très peu pour moi » quand on lui expose l’e-santé sous l’angle du partage de ses données avec un thérapeute amené soudain à le prendre en charge à la suite d’un accident par exemple ? Pour Paul De Munck, président du GBO, cette présentation est toutefois réductrice. Et le patient qui consent pas toujours si… éclairé que ça.

« Le patient ne se rend pas forcément compte de la portée du consentement qu’il donne un peu machinalement à l’accueil d’un hôpital. Il n’a pas à l’esprit que les échanges sont destinés à s’étendre à d’autres professionnels que les médecins. Il n’a pas toujours réfléchi au fait que des données sensibles - un traitement psychiatrique, une trithérapie… - pourraient circuler plus largement… », énumère le syndicaliste. « Au GBO, nous redoutons en outre, avec la possibilité à terme pour le patient d’accéder de chez lui à son dossier médical informatisé, la dérive du ‘regard par-dessus l’épaule’. Je veux dire ce coup d’œil intéressé que pourrait vouloir jeter un tiers, un assureur par exemple, aux données de santé du patient. »

Pour le syndicat, « on met la charrue avant les bœufs, on avance dans des cénacles politiques et techniques sans avoir mené ce réel débat public que justifie l’essor de l'échange de données privées aussi sensibles que les données médicales. Il existe bien un groupe de travail, auprès du cabinet De Block, qui réfléchit aux aspects juridiques de l’e-santé. Mais ces juristes devraient recevoir l’éclairage de prestataires de terrain.»

Paul De Munck verrait bien un organisme comme la Fondation Roi Baudouin pilotant une étude sur la question, « qui aille plus loin que le dossier informatisé, que le dossier partagé, qui englobe le concept de la santé mobile, et cerne les enjeux de l’e-santé, en ce compris en termes de risques de transformation du métier de thérapeute. »

Il n’est pas question pour le GBO de bouder l’informatisation, mais de se montrer vigilant sur l'utilisation qui peut en être faite. Paul De Munck suggère une action/réflexion sur trois plans. « Il faudrait ouvrir un dialogue avec l’Ordre sur les aspects déontologiques, entre lui et le nouveau ‘collège de la médecine générale’. Parallèlement, on doit initier un débat public sur la circulation de données médicales incluant les prestataires de soins, les citoyens et des techniciens du numérique. Enfin, il y a ce travail sur la dimension juridique qui s’est engagé au cabinet. » Le GBO a, à ce propos, demandé à ce que les représentants des généralistes soient impliqués dans le groupe de travail.

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