«Les forums ne pourraient-ils être utilisés à de meilleurs objectifs?» (réaction de l'APB)

La semaine dernière, nous avons relayé la lettre ouverte du Dr Burton, MG exerçant en maison médicale en région bruxelloise, qui exprimait son vif désappointement à Maggie De Block. L’auteur suggérait, e.a., de confier la vente de médicaments aux médecins. L’APB, l’union professionnelle des pharmaciens d’officine, a réagi à ses propos. ​

Par la voix de son Vice-président Alain Chaspierre, l’APB a appelé, plutôt qu’à la division, à une coopération renforcée entre les deux professions. Le Dr Burton avait par exemple estimé que confier la vente des médicaments aux médecins permettrait d’économiser sur la marge des pharmaciens et des grossistes répartiteurs, ajoutant que «dans 99,9% des cas, le pharmacien est l'exécutant d'une fonction qui pourrait être remplie par un étudiant de 16 ans sachant lire...». Alain Chaspierre invite à un état d’esprit plus constructif. Pour lui, MG et pharmaciens devraient plutôt trouver les passerelles et les collaborations utiles et responsables, dans l’intérêt de la première ligne.

Nous reproduisons sa réaction in extenso.

«Si j’ai choisi de réagir en tant que représentant des pharmaciens indépendants, c’est parce que je souhaite éviter que des aberrations se véhiculent sans garde-fous et qu’elles soient alors reprises comme des vérités dont personne ne maîtrise plus le devenir. D’autre part, je souhaite le faire sur un mode constructif. Nous devons en effet (!) nous tourner vers l’avenir.

L’avenir sera fait d’un décloisonnement des professions de santé, d’une collaboration renforcée dans l’intérêt premier des patients. Les médecins, les pharmaciens et les autres acteurs de santé doivent consolider la première ligne qui, on le constate, est dans son entièreté aujourd’hui mise à mal. La manière dont les professionnels de la santé exercent leurs compétences respectives va devoir évoluer afin d’atteindre plus d’efficience dans les soins et de faire face aux défis en santé qui sont colossaux pour le futur. Nous avons (donc plutôt) tout intérêt à trouver les passerelles et les collaborations utiles et responsables, centrées sur la qualité des soins et la prise en charge optimale des patients. L’interdisciplinarité est une richesse car elle organise le partage des compétences; mais il faut encore la mettre en œuvre voire la renforcer. Ce chantier demande une ouverture d’esprit et un pragmatisme bien étrangers à la missive du Dr Burton.

Les pharmaciens sont aujourd’hui rémunérés sur base d’un honoraire de dispensation identique quel que soit le prix du médicament remboursé et cela depuis le 1er avril 2010. Antérieurement, la marge économique a toujours été plafonnée. D’autre part, dans les mesures d’économies qui affectent l’ensemble des prestataires de soins, outre l’indexation partielle des honoraires, une mesure d’économie supplémentaire (la suppression de l’honoraire ch IV) est venue frapper de plein fouet les pharmaciens. Ceci aura sans aucun doute un impact sur la stabilité financière d’officines déjà fragilisées par les économies antérieures. Aujourd’hui, proférer de tels propos sur la rémunération des pharmaciens est donc doublement inacceptable de la part d’un autre professionnel de la santé et témoigne d’un manque de connaissance du secteur et de sa réalité économique.

De même, en termes d’insécurité, j’invite le Dr Burton à se pencher sur le hitparade des métiers les plus impactés. Mais il m’apparait d’emblée odieux d’entrer dans une forme de comparaison autant inutile que déplacée.

Les pharmaciens centrent leur activité principale sur le bon usage des médicaments. Le Dr Burton a certainement le sentiment que ses patients, lorsqu’ils quittent son cabinet, ont compris absolument tout ce qu’il leur a raconté; qu’ils seront adhérents au traitement prescrit et que, sans doute, toutes ses prescriptions sont irréprochables d’un point de vue pharmacothérapeutique.

De nombreuses études montrent que la situation est loin d’être idéale et qu’il est temps de trouver des solutions pratiques et concertées pour résoudre ces problèmes de manque d’observance, de déficit en health literacy et ces problèmes liés aux médicaments. A ce niveau, la collaboration entre médecins et pharmaciens doit se renforcer et dans un avenir proche, de nouveaux services vont se développer en pharmacie, centrés sur l’accompagnement des patients chroniques.

Alors, sachant que tous ces problèmes génèrent énormément de surcoûts et de gaspillage, une coopération renforcée entre nos deux professions (et sur bien d’autres domaines encore) permettra sans doute de réaliser des économies là où elles devraient être menées. Par ce biais, il serait possible de financer la première ligne de manière adéquate et pérenne.

Enfin, j’aimerai souligner que beaucoup de médecins et de pharmaciens aujourd’hui déjà trouvent de vraies synergies et que dans le corps médical, les esprits sont bien plus ouverts et collaboratifs que ce qu’on constate ici. Les forums ne pourraient-ils pas être utilisés à de meilleurs objectifs?»

Alain Chaspierre, Pharmacien, Vice-président APB

>Lire aussi «Faut-il encore et toujours frapper sur le MG de terrain?» (lettre ouverte à Maggie De Block)

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