Après deux ans de pandémie, les médecins généralistes sont au bout du rouleau

Près de neuf médecins généralistes sur 10 (86%) estiment que la pandémie de coronavirus a eu des répercussions délétères sur leur santé mentale, ressort-il jeudi d'une enquête en ligne menée par HealthOne, éditeur de logiciels médicaux, auprès de 463 généralistes belges. Les conséquences de la crise sanitaire en termes de surcharge de travail pour la profession sont telles que 35% des médecins sondés ont envisagé une reconversion ou une retraite anticipée.

Un praticien sur quatre (24,49%) considère comme "importantes" les conséquences de la pandémie sur sa santé psychique. Ainsi, 70% des médec ins interrogés font état de stress, 28% souffrent d'anxiété, 26% de détresse émotionnelle, 21% de burnout et 6% de dépression.

Pour les médecins, la crise est allée de pair avec un afflux de patients et une surcharge de travail, qui ont également ébranlé leur vie privée. C'est le cas pour près de 9 médecins sur 10 (88,94%). 61,78% des docteurs interrogés entre le 7 et le 31 janvier 2022 ont vu la perception de leur métier changer négativement, au point que 35% d'entre eux ont même considéré arrêter, 20% se reconvertir et 15% partir en retraite anticipée.

De plus, durant la pandémie, 4 médecins sur 10 (42,83%) rapportent avoir eux-mêmes contracté la Covid-19. 

Pour 67,27% des docteurs interrogés, l'arrivée du très contagieux variant Omicron a entraîné une nouvelle augmentation du nombre de visites alors que les médecins sortaient d'une quatrième vague déjà synonyme de surcharge de travail. Un médecin sur deux (45,74%) considère la vague entre octobre et décembre 2021 comme étant l'apogée de leur surcharge de travail. De plus, les médecins généralistes interrogés lors de l'enquête constatent que les consultations de patients Covid représentent, en moyenne, entre 20 et 50% de leur temps de travail. Sur l'année 2021, ils parlent même de 30 à 60% de leurs consultations.

"La généralisation des consultations téléphoniques, autrefois interdites et qui semblent se répandre aujourd'hui, porte atteinte à la valeur de notre profession. (...) Nous sommes devenus des secrétaires glorifiés, effectuant un travail bien intentionné mais de qualité inférieure. (..) En attendant, les patients savent que les consultations téléphoniques sont possibles et en font un usage intensif. Cela m'incite à envisager de quitter prématurément mon emploi auparavant fantastique", témoigne un médecin, cité dans l'enquête. 

"Avec autant de responsabilités, nous constatons que les généralistes essayent tant bien que mal d'alléger leur charge de travail. Nous voyons, notamment, qu'un médecin sur deux a décidé de ne plus accepter de nouveaux patients", a souligné Johan Spincemaille, General Manager de HealthOne. "Ce n'est pas la seule mesure prise par les médecins pour faire face à cette nouvelle épreuve, puisque 14,19% d'entre eux ont décidé de s'associer pour se partager la charge de travail. Tandis qu'un médecin sur quatre (25%) a préféré engager un agent administratif ou un membre du personnel médical (aides-soignants, étudiants en médecines...) pour l es aider."

La profession plaide dès lors pour des dispositifs d'aide plus adéquats, alors que 7 médecins sur 10 (74,28%) sont d'avis que les mesures gouvernementales prises pour les soulager ne sont pas suffisamment efficaces.

Durant la crise, plusieurs mesures ont effectivement permis de diminuer la quantité de travail des médecins, notamment les tests en pharmacie, les centres de tests, la possibilité de créer son code PCR et de s'inscrire en ligne pour être dépisté. Mais les différentes règles et leur marche à suivre manquaient parfois de clarté, ce qui a créé de la confusion chez les patients. 

"Les médecins traitants se retrouvent donc à passer leur temps au téléphone à répondre aux nombreuses questions et finissent par travailler gratuitement. D'où la nécessité d'avoir une compensation financière plus adaptée", a réclamé Vincent Parmentier, vice-président chez SSMG (Société Scientifique de Médecine Générale).

"Il faut arrêter de dire que les médecins généralistes sont indispensables au système de soins en Belgique sans nous montrer de reconnaissance et sans nous apporter de l'aide logistique. On n'est plus capable de bien soigner nos patients car la gestion administrative nous prend 70% de notre temps", a-t-il déploré lors d'une interview accordée à l'agence Belga. "J'ai l'impression d'avoir été le pansement sur les plaies de l'administration sans avoir reçu les moyens nécessaires. J'ai dû réduire mon temps de travail car j'allais craquer", a-t-il avoué.

Un ressenti partagé par nombre de ses confrères et consœurs pour qui "la coupe a débordé depuis longtemps". "Notre frustration a augmenté, tandis que notre résilience a baissé. Une certaine rancœur s'est même installée envers les autorités", a-t-il encore confié.

Face à ce sentiment d'épuisement généralisé, le défi est de taille. "Il faut rapidement réduire la charge administrative des médecins généralistes et améliorer leur bien-être, sans quoi le système des soins de santé pourrait être en péril en Belgique", concluent les auteurs de l'enquête.

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