Le CHR la Citadelle à Liège est le premier hôpital wallon à avoir saisi au bond l’opportunité de créer une Cellule d’Innovation Médicale (CIM) avec l’aide du WeLL living lab (Pôle de compétitivité Mecatech).
Son rôle : promouvoir une culture de l’innovation, accompagner le changement, faire émerger et maturer des projets d’innovation - technologique, organisationnelle voire sociétale -, favoriser l’échange de bonnes pratiques entre départements et services, faire office d’observatoire de tendances, et permettre l’hybridation de compétences en puisant dans des ressources d’innovation externes à l’hôpital.
Le docteur Gaëtan Letesson et Dominique Putzeys sont tous deux membres du “Copil” (comité de pilotage) de la Cellule d’Innovation de l’hôpital de la Citadelle. L’un en tant que chef de service de médecine nucléaire et représentant des utilisateurs médicaux, l’autre comme directeur du Pôle Soins (départements infirmier et paramédical).
Le fait d’y siéger est pour eux à la fois une évidence et une nécessité. Un prolongement aussi de leurs actions et de leur rôle. Tous deux ont participé, en tant que membres du conseil de direction, à l’élaboration du Plan stratégique 2022-2025 dont la nouvelle cellule CIM sera l’une des chevilles ouvrières. Depuis 2018, le Dr Gaëtan Letesson rédige régulièrement des documents avec des propositions allant dans le sens d’une innovation dans les solutions et les procédures, d’un “hôpital 4.0”, pour une « évolution non seulement technologique mais aussi en termes de rapports plus humains ».
A ses yeux, « une institution aussi importante que la Citadelle doit s’investir dans l’innovation si elle veut garder un profil d’établissement hospitalier de pointe, sinon elle s’encroûte ».
Echo similaire dans la bouche de Dominique Putzeys : « Il était important pour l’hôpital de mettre en oeuvre un tel centre d’innovation pour faire face aux besoins en gestion hospitalière et de prise en charge des patients, pour veiller notamment à l’amélioration continue de la qualité des soins, de la gestion des flux qui gravitent autour du patient et de l’organisation du travail. En particulier au niveau des départements infirmier et paramédical qui souffrent d’une pénurie de profils. Avant même la crise du Covid, les hôpitaux étaient confrontés à d’importants défis financiers et organisationnels. La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer la chose ». Justifiant d’autant plus un axe Innovation… « Une structure qui vienne compléter la gestion des projets et la méthodologie déjà appliquée [Prince 2], pour servir d’incubateur d’idées et de filtre de pertinence des projets et des idées qui remontent de la base. L’hôpital avait besoin d’une méthodologie de réflexion et d’analyse qui soit un peu out of the box ».
Une évolution logique
Les idées d’amélioration, voire de changement profond, qui émanent des différents métiers et services de l’hôpital ne manquent pas. Mais il leur est difficile de percer et de se concrétiser.
« L’innovation est depuis longtemps dans l’ADN de la Citadelle mais de manière morcelée, sans fil conducteur, sans point de cristallisation. Avec une difficulté à faire circuler les idées. Elles ont beau être bonnes, il est difficile de les faire accepter en raison d’une volonté de statu quo de certains », témoigne le Dr Gaëtan Letesson.
Non pas que le CHR la Citadelle n’ait pas fait preuve de proactivité en la matière, envoyant par exemple, deux années de suite, une équipe au hackathon Citizens of Wallonia… Mais le constat demeure.
La création du CIM est donc en partie destinée à pallier à ces problèmes. Son rôle consistera notamment à mieux « faire émerger des idées nouvelles », à les collecter, filtrer, à évaluer leur pertinence, leur caractère réellement innovant et leur potentiel de concrétisation « au service du Plan stratégique » et à les faire maturer et aboutir.
Dominique Putzeys estime ainsi qu’il « apporte de la structure, permettra de respecter toutes les étapes nécessaires, d’appliquer les bonnes méthodes et de réunir les différentes compétences pour concrétiser les projets, mais aussi de faire percoler la motivation à innover dans les différents départements et services. »
L’apport de l’équipe du WeLL/Mecatech fut précieux. « Par rapport à ce que nous avions déjà pu mettre en oeuvre, le WeLL nous a apporté un degré supplémentaire de qualité, une manière de conduire une réflexion innovante, une démarche davantage structurée et systématique, des conseils en matière d’outils de suivi de projets, et aussi des contacts potentiels avec des acteurs externes de l’innovation », souligne Dominique Putzeys.
Davantage de transversalité et d’adhésion
« Le CIM permet une vision plus globale des projets existants ou nouveaux mais aussi une transversalité entre les différentes disciplines », ajoute le Dr Gaëtan Letesson. « Il permet de mieux capter le ressenti des collègues et de créer du lien. Il doit être replacé dans le contexte d’un mouvement de fond, celui d’une évolution extrêmement rapide de la médecine et de la société en général. Une vitesse d’évolution telle que l’on n’a plus le temps de s’adapter aux nouveaux paradigmes. Or, une structure telle que la Citadelle a besoin de temps pour le faire. Le CIM sera donc comme un germe permettant aux gens de se rapprocher, d’accepter le changement. La résistance au changement est souvent forte - et d’ailleurs parfois nécessaire - mais peut freiner les bonnes initiatives. Le but n’est pas de “bypasser” ce problème mais de l’accompagner. »
Souvent les changements sont encore imposés en mode top down. Le CIM permettra d’inverser le schéma. « Il permet d’identifier et d’impliquer des personnes-ressources qui ne sont pas toujours connues, qui ont de bonnes idées mais n’osent pas parce que ce n’est pas leur domaine. En plus d’être un organe d’innovation, le CIM pourra permettre aux individus de se sentir impliqués et de transmettre cette dynamique à d’autres pour une meilleure acceptation du changement. »
Avis partagé par son collègue : « Ces dernières années, il y a eu, au CHR la Citadelle, une volonté de favoriser davantage la communication ascendante et une gestion plus participative, dans un esprit de partage d’idées. Mais il faut du temps - et de la confiance - pour faire évoluer les choses. Et il faut de la clarté sur ce qui est attendu de chacun et sur ce qui est faisable. A cet égard, le CIM ajoute un degré supérieur de structure et de méthode. »
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