L’accès aux données, leur compréhension par tous les maillons de la chaîne - jusqu’au patient lui-même - étaient au coeur du deuxième atelier du programme Teckno 2030 en Action.
Dévoilé en début d’année, le programme Teckno 2030 en Action poursuit son cycle d’ateliers. Objectif: faire participer professionnels de soins et patients à l’élaboration d’une “boîte à outils” (en clair, une série de méthodes d’appropriation) destinée à permettre aux professionnels de santé, aux concepteurs de solutions et aux simples citoyens de déployer et de s’approprier des outils et solutions technologiques qui soient efficaces, abordables, “à taille humaine”.
Le tout inspiré et venant concrétiser les “huit principes directeurs pour une technologie saine à dimension humaine” définis dès 2020 par la Fondation Roi Baudouin et le fonds Dr Daniël De Coninck.
Le deuxième atelier Teckno 2030 en Action, organisé par la société de consultance Yuza de Lara Vigneron, dans les locaux de la LUSS (fédération francophone des associations de patients et de proches) à Namur, avait pour thème “Le partage des données de santé – Pourquoi? Comment? Quels garde-fous? Quelle mise en pratique?”.
L’occasion pour Danielle Derijcke, Patient Engagement Lead chez MSD Belgique et co-fondatrice d’Eupati Belgique, de rappeler combien l’éducation et l’inclusion des patients étaient essentielles pour une santé efficace. “Il s’agit de favoriser l’implication du patient dans sa prise en charge mais surtout faire en sorte qu’il puisse donner son avis sur son ressenti face à la maladie - la sienne ou celle de ses proches.”
En la matière, il reste bien du chemin à parcourir. Pour preuve, ces chiffres émanant du professeur Stephan Van den Broucke de l’UCLouvain, président de HealthNest: “35% des Belges éprouvent des difficultés à obtenir, comprendre et utiliser les informations relatives à leur santé. 10% estiment ne pas avoir les compétences nécessaires pour appréhender correctement les questions de santé.”
Autre orateur lors de l’atelier: Sébastien Jodogne qui, en tant qu’informaticien, à l’origine de la start-up Osimis et chargé de cours à l’UCLouvain, était venu démythifier ce qui est encore souvent perçu comme hermétique pour le citoyen lambda. Il ne fait aucun doute, à ses yeux, qu’une démarche de co-construction des solutions IT en santé s’impose “afin qu’elles servent réellement le professionnel et le patient. Le patient doit devenir partenaire. Il faut lui donner les outils pour qu’il comprenne sa propre maladie, puisse accéder et comprendre la signification de ses images médicales par exemple. Cela ne peut que renforcer sa confiance dans le traitement.”
Poursuivant son raisonnement, il défendait l’idée d’une participation mêlant chercheurs, mutuelles, autorités de santé publique, acteurs de première ligne, entreprises… “Il faut faire en sorte que tous se rencontrent et travaillent dans le même sens.”
Autre condition sine qua non: abattre les cloisonnements encore trop présents entre disciplines (imagerie, chirurgie, soins infirmiers…). Non seulement, ils grèvent la continuité des soins mais ils appauvrissent aussi l’information à mesure qu’elle passe d’un acteur à l’autre. “Un équipement spécialisé, tel un système d’imagerie médicale, génère un PDF qu’utilisera ensuite le médecin pour son rapport, stocké dans un dossier hospitalier. Toute la richesse des informations produites au départ par l’équipement est perdue. Non seulement pour le patient mais aussi pour une exploitation dans le cadre de projets de recherche.
La chaîne des traitements successifs d’informations en diminue la richesse. A domicile, par exemple, le patient ne dispose pas d’un outil lui permettant d’accéder aux données de son examen pneumologique ou radiologique, des données qui sont stockées dans des formats spécifiques, propriétaires, non interopérables. Le seul document auquel il peut accéder [via le Réseau Santé] est le rapport du médecin…”
L’une des premières mesures serait donc de standardiser les données dans un format unique, compréhensible, et de recourir à des nomenclatures précises, non ambiguës. “En ouvrant l’accès aux données, les normes Dicom et FIHR, par exemple, faciliteront la recherche clinique, favoriseront l’innovation dans les hôpitaux, permettront aux chercheurs et aux start-ups de proposer des solutions compatibles.
Interopérabilité technique et sémantique sont des conditions nécessaires mais insuffisantes. Ce n’est que le socle sur lequel tout le reste se construit.
Il est tout aussi important de renforcer la première ligne pour favoriser une meilleure vue globale sur la santé du patient et, en parallèle, favoriser la compréhension de sa santé par le patient.”
Le chapitre 3 du programme Teckno 2030 en action aura lieu en ligne le mardi 24 mai de 12h à 12h30. Il aura pour thème "les technologies inclusives : une révolution du regard ? " avec Katerina Zekopoulos, Présidente d'Anemo CQ, créatrice du blog Coup de vieilles (Paris) et "Quand la technologie relie les savoirs des soignants et améliore la santé" avec le Dr Kevin Boulanger, Fondateur et administrateur de Welinkcare.