Il y a 50 ans, les premiers étudiants de l'UCLouvain arrivaient à Louvain-la-Neuve

Le 20 octobre 1972 a marqué une nouvelle page dans l'histoire de l'enseignement supérieur : la section francophone de l'Université catholique de Louvain (appelée depuis UCLouvain) faisait sa première rentrée académique à Louvain-la-Neuve, ville tout juste créée. Un bouleversement dans le paysage de l'enseignement supérieur, même si l'institution a conservé "son histoire et son expertise", pointe l'historienne Françoise Hiraux, qui a travaillé au service des archives de l'UCLouvain.

"1972 marque en réalité la poursuite de l'université de Louvain, créée en 1425. L'UCLouvain n'est pas une université née de rien du tout et n'e st pas née dans les années 1960 comme beaucoup d'autres l'ont été, au vu de la démocratisation des études", explique Mme Hiraux. "Mais comme toutes les institutions multiséculaires, les formes juridiques ont changé."

L'année 1968 marque ainsi un profond changement pour l'histoire de l'université. Cette année-là, le Premier ministre Gaston Eyskens annonce, dans la déclaration gouvernementale du 24 juin, que la section francophone de l'Université catholique de Louvain sera transférée dès que possible.

Une décision prise à la suite du célèbre "Walen Buiten", ces actions lancées par les étudiants flamands, soutenus par leurs professeurs, pour exiger la scission de l'université catholique et le départ de l'aile francophone. Mais aussi en raison des lois linguistiques de 1962 et 1963, qui "répartissent la Belgique en régions unilingues et une bilingue, Bruxelles. Cela signifie que l'administration, la justice et aussi l'enseignement se font uniquement dans la langue de la région", explique Mme Hiraux. A Bruxelles, cela marque également la scission entre l'Université libre de Bruxelles francophone (ULB) d'une part, et la Vrije Universiteit Brussel (VUB) néerlandophone d'a utre part.

"En 1962 et 1963, on laisse un peu en suspens le sort de l'université de Louvain, en disant que ces lois ne vont pas forcément s'appliquer aux universités, ce qui est vécu comme une anomalie par certains leaders politiques flamands. La tension est montée jusqu'au clash de 1968 (le fameux "Walen Buiten", NDLR)" et la décision de scinder l'université et transférer l'aile francophone.

Une fois la décision prise, "tout reste à faire" pour créer la ville de Louvain-la-Neuve dans le Brabant wallon, à Ottignies. "C'était un énorme défi pour voter les lois d'expropriation, trouver un financement, créer non seulement un campus mais aussi une ville", souligne Françoise Hiraux. "Entre 1968 et 1972, cela a été quatre années d'exaltation mais aussi d'inquiétudes et de tensions. La rentrée de 1972 a marqué un 'ouf' de soulagement: ça y est, le transfert était lancé'", raconte l'historienne. La faculté de médecine est, elle, transférée à Bruxelles "car la région bruxelloise avai t besoin d'hôpitaux universitaires".

A la rentrée de 1972, l'ensemble de la population étudiante n'arrive pas à Louvain-la-Neuve. Il faudra attendre 1979 pour que le transfert de l'ensemble des facultés soit achevé.

Les premiers à inaugurer le nouveau campus sont les ingénieurs en 4e et 5e année, les physiciens en 3e et 4e année, ainsi que leurs doctorants. "Louvain-la-Neuve était encore minuscule, les premiers étudiants et leurs professeurs pataugeaient dans la boue. Il fallait mettre des bottes pour faire le trajet entre le kot et le campus", illustre Mme Hiraux.

Cette arrivée sur un nouveau campus, dans de nouveaux locaux, a été "un grand booster de l'innovation, de l'imagination, de la création et les années 1970 étaient propices à cela", selon l'historienne. Quinze jours après la rentrée, "les étudiants ingénieurs ont monté un grand coup : ils ont descellé un pavé de la KUL et, par une course-relais, l'ont amené à Louvain-la-Neuve où ils l'ont installé sur la place Sainte-Barbe. Le folklore étudiant reprenait déjà", souligne Mme Hiraux. Trois ans plus tard, les 24 heures vélo sont créées, "une manière de dire 'nous ne sommes pas morts, Louvain-l a-Neuve est une chance'", estime-t-elle.

Le déménagement à Louvain-la-Neuve intervient également dans un contexte de post-révolution étudiante, et la mise à disposition de nouveaux locaux, ainsi que le recrutement d'un certain nombre de nouveaux professeurs, ont permis de faire évoluer la formation. "Cela a cessé d'être purement descriptif. On met l'accent sur les séminaires, les travaux pratiques... C'est aussi une révolution de l'ambiance dans les auditoires où tout le monde a la parole", explique Françoise Hiraux. A Louvain, les locaux trop étroits pour accueillir une population étudiante en pleine expansion "freinait les innovations pédagogiques".

L'UCLouvain va aussi devenir "une référence internationale du point de vue scientifique car on dispose enfin de locaux appropriés pour la recherche, ce qui libère l'imagination", pointe encore Mme Hiraux.

"On pressent tout cela à la première rentrée académique: on met l'accent sur la qualité de la vie et des rencontres... On affirme le souhait de ne pas être qu'un campus fonctionnel", glisse l'historienne.

Cinquante ans plus tard, l'UCLouvain est répartie sur sept sites et compte plus de 30.000 étudiants. Elle devrait également écrire une nouvelle page de son histoire à travers sa fusion avec l'Université Saint-Louis Bruxelles, approuvée récemment par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Comment voyait-on l'université de l'an 2000 en 1985 ? Réponse dans ce film réalisé par l'UCLouvain. On y découvre la ville, la vie en kot communautaire, les bâtiments académiques.

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