Alors que l'utilisation d'antibiotiques est supérieure en Belgique à la moyenne européenne, le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE) formule 21 recommandations pour améliorer la situation dans notre pays. Parmi celles-ci, le KCE propose un plan d'action ‘One Health’ impliquant tant la médecine humaine que vétérinaire.
Si le rapport du KCE publié jeudi ne formule pas explicitement le terme ‘surconsommation’, l'usage des antibiotiques en Belgique n'est pas toujours approprié. Notre pays occupait, en 2017, la neuvième place parmi les plus gros prescripteurs d'antibiotiques d'Europe pour les soins ambulatoires. Dans le milieu hospitalier, la consommation est juste en d essous de la moyenne européenne alors que dans le secteur de la santé animale, l'utilisation a diminué mais les vétérinaires belges ont vendu, en 2016, plus d'antibiotiques que la moyenne européenne.
«Nous devons beaucoup aux antibiotiques. Depuis la découverte de la pénicilline en 1928, ces médicaments ont sauvé un très grand nombre de vies et rendu possibles des opérations chirurgicales complexes. Mais leur utilisation inappropriée, chez les humains comme chez les animaux, a mené à une résistance croissante des bactéries, à tel point que tous ces bénéfices risquent d'être anéantis», alerte le KCE, avançant des chiffres de l'OCDE selon lesquels ce problème provoquera en moyenne 33.000 décès par an entre 2015 et 2050 dans l'Union européenne, dont 533 en Belgique. «Le nombre de jours d'hospitalisation supplémentaires et les coûts de soins de santé augmenteront également de façon considérable.»
Pour lutter contre ce problème de résistance aux antimicrobiens, un usage ‘prudent’ des antibiotiques est une ‘priorité’, selon le KCE, qui préconise une approche holistique ‘One Health’ impliquant tous les acteurs concernés (autorités fédérales et régionales, professions médicales et vétérinaires, institutions de recherche et universités, organisations agricoles, industries alimentaires et pharmaceutiques.)
Cette consommation élevée d'antibiotiques en Belgique s'explique, au niveau des prescriptions individuelles des médecins ou vétérinaires, par «la nécessité d'agir vite», «le désir d'éviter les situations d'incertitude» et «la demande du patient ou du propriétaire de l'animal». Dans les hôpitaux, où le risque de résistance est le plus élevé, des «groupes de gestion de l'antibiothérapie ont été mis en place» mais ils ne sont pas obligatoires et reçoivent peu de soutien. Dans le secteur agricole, la consommation élevée d'antibiotiques est notamment une conséquence de l'industrialisation de l'élevage.
Sur base d'une analyse de la littérature scientifique et des données de remboursement des antibiotiques par l'Inami, mais aussi de la consultation d'experts, le KCE avance une vingtaine d'autres recommandations comme «le renforcement de la gestion des antibiotiques dans les hôpitaux et son développement dans les soins ambulatoires et les maisons de repos pour les personnes âgées». Il est également suggéré que les pharmaciens puissent vendre le nombre exact de comprimés d'antibiotiques nécessaires à la cure prescrite, ce qui permettrait «d'éviter les 'fonds de boîte'» et «diminuerait les risques d'automédication et de pollution de l'environnement».
«Le rôle consultatif des vétérinaires devrait être renforcé dans les élevages et les éleveurs devraient être sensibilisés au bien-être animal et à la biosécurité, qui ne sont pas nécessairement incompatibles avec la productivité (des études scientifiques le prouvent)», propose encore le KCE.
Enfin, l'utilisation d'antibiotiques chez les animaux de compagnie mérite une plus grande attention, selon le Centre fédéral d'expertise des soins de santé car, pour le moment, «il existe peu de données à ce sujet, et pourtant nous savons qu'ils peuvent également transmettre des bactéries résistantes à leurs propriétaires, et inversement».
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