Exercice de la psychothérapie

Le projet de loi sur les professions de soins de santé mentale, soumis au vote des députés ce jeudi, ne considère pas la psychothérapie comme une profession de santé, mais comme un type de traitement, que peuvent appliquer des professionnels bien définis. Cette réforme portée par Maggie De Block essuie son lot de critiques, tant du côté de l’opposition socialiste que dans les rangs des psychothérapeutes.

Maggie De Block a développé devant les parlementaires l’intérêt des modifications qu’elle soutient dans sa révision: la psychothérapie est reprise dans la loi comme étant un type de traitement spécialisé. Dans un premier temps, il sera réservé aux psychologues cliniciens, aux orthopédagogues cliniciens et aux médecins ayant suivi une formation complémentaire. A la clef, une meilleure garantie, pour les patients, de sécurité et de qualité. «Cela signifie concrètement qu’en cas de problèmes, non seulement la justice mais aussi l’inspection de santé pourra intervenir, et qu’un service de garde doit être organisé pour les patients en crise», souligne la ministre Open VLD. En outre, les prestataires qui pratiquent la psychothérapie sont tenus de respecter la loi relative aux droits du patient. Le patient pourra donc vérifier si son thérapeute est assuré et autorisé à exercer sa profession, et il pourra prétendre à un dossier bien conservé et à la protection de sa vie privée (*).

La ministre de la Santé a également indiqué, à la veille du vote de son projet (intervenu ce jeudi 30, majorité contre opposition), que des mesures transitoires sont prévues pour certains praticiens de la psychothérapie qui ne disposent pas du diplôme exigé. Ce qui «fait que la grande majorité des personnes qui exercent actuellement la psychothérapie pourront continuer à travailler».

«Madame De Block balaie 10 années de travail et de concertation au parlement»

Le groupe PS déplore «un véritable retour en arrière par rapport à la loi de 2014 (**) qui encadrait strictement l’exercice de la psychothérapie». La cheffe de groupe et ancienne ministre de la Santé Laurette Onkelinx souligne que ce «changement de cap radical» a été réalisé «sans concertation avec l’ensemble des professionnels du secteur». Pour elle, contrairement à ce qu’affirme Maggie De Block, la future loi ne «permettra pas d’éviter les pratiques nuisibles ou douteuses de certains psychothérapeutes. Elle privera seulement les patients d’une offre de soins suffisante, diversifiée et clairement encadrée, dispensée par des professionnels formés et compétents… ce que proposait justement la loi de 2014.»

Le GBO, sans se prononcer sur le fond du débat, constate les divisions que la révision génère «au sein des différents praticiens psychothérapeutes et de plusieurs autres professionnels de santé, y compris des médecins».  Regrettant n’avoir pas été impliqué du tout dans la réflexion ayant débouché sur la réforme, le syndicat rappelle que les généralistes «ont besoin, pour certains de leurs patients, des psychothérapeutes auxquels ils font d’ailleurs déjà largement appel en faisant profiter leurs patients d’un large éventail d’approches adaptées à leurs besoins ou types de problèmes». Il propose à Maggie De Block de «relancer la concertation avec tous les secteurs concernés» – syndicats médicaux compris.

«Une normalisation/standardisation "par la science" de l'accompagnement psychothérapeutique»

Le mouvement Alter-Psy, se présentant comme un «collectif citoyen contre la nouvelle loi sur la psychothérapie» et déclarant rassembler près de 600 professionnels de la psychothérapie et de la relation d’aide, fait observer à quel point la proposition de Maggie De Block correspond davantage à une vision anglo-saxonne de la santé mentale, reposant sur l’EBM. Donc tendant à «réduire le champ des soins de santé mentale à un ensemble de techniques d'interventions, validées scientifiquement, et à balayer tout ce qui ne pourrait pas être démontré, statistiques à l'appui. Ce paradigme, bien entendu, est particulièrement compatible avec le contexte d'austérité budgétaire que le gouvernement fédéral a adopté».  Mais pour le collectif, «s'y référer de manière exclusive a deux conséquences graves: la réduction drastique de la diversité des pratiques de la relation d'aide et de soins qui existent aujourd'hui, et l'assimilation de la psychothérapie à une approche proprement médicale de la santé mentale.» 

(*) Le traitement «psychothérapie» sera repris dans la loi sur l’exercice des professions des soins de santé (loi LEPS du 10 mai 2015), explique le cabinet De Block. S’il s’avère que la personne qui l’applique n’a pas suivi de formation complémentaire, l’inspection de santé pourra intervenir et la suspendre ou l’exclure.
(**) Il s’agit de la loi-cadre relative à la psychothérapie et la santé mentale en Belgique, votée en avril 2014, qui était supposée faire l'objet d'une mise en œuvre en septembre dernier.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.