Alors que la pénurie de médecins généralistes en Belgique ne cesse de s’aggraver, une nouvelle promotion d’assistants en médecine générale entame sa formation pour trois ans. Cette nouvelle génération sera-t-elle en mesure de combler le manque criant de généralistes ? À leur sortie de spécialisation, quel impact auront-ils sur cette crise démographique qui touche la profession ? Pour y voir plus clair, Medi-Sphère a interrogé les quatre responsables universitaires de leur formation.
« Les stages de spécialisation en médecine générale ont débutés le 1er octobre, mais toutes les conventions ne sont pas encore signées par les maîtres de stage et les assistants. Il faudra encore un peu patienter pour obtenir un nombre définitif », explique le Pr Cassian Minguet, responsable du Centre Académique de Médecine Générale à l’Université catholique de Louvain (UCLouvain). Il précise que ce chiffre « devrait se stabiliser dans le courant du mois ».
Un nombre insuffisant d’assistants pour combler les départs
Le nombre exact d’assistants de première année n’est pas encore confirmé, mais le Pr Philippe Cardon, directeur du département de médecine générale à l’Université libre de Bruxelles (ULB), avance une estimation. « On compte environ 1 000 assistants répartis sur trois ans, soit quelque 300 qui achèvent leur formation chaque année. Si l’on tient compte des médecins qui arrêtent – pas uniquement pour prendre leur retraite –, et sachant que, dans certains cas, il faudra plus d’un médecin pour les remplacer, je ne suis pas certain que cela suffira à enrayer la pénurie. » D’autant que, rappelle le Pr Cardon, « tous les assistants ne choisiront pas d’exercer la médecine générale à temps plein, et certains ne commenceront pas immédiatement à travailler en fin d’assistanat. Il y a aussi ceux qui se tourneront vers la médecine scolaire, l’ONE ou encore les mutuelles ».
Un profil des jeunes médecins qui complique la relève
Le Pr Didier Giet, directeur du département de médecine générale à l’Université de Liège (ULiège), partage ce constat. « Il ne faut pas oublier que le profil des jeunes médecins a changé. Il faudra probablement un équivalent de temps plein et demi pour compenser le départ d’un médecin à temps plein de la génération précédente. Et cela arrive à un moment où de véritables ‘hordes’ de généralistes partent à la retraite ou s’apprêtent à le faire dans les prochaines années », alerte-t-il.
Le Pr Giet ajoute que « 43 % des futurs diplômés se destinent à la médecine générale, contre 53 % pour les autres spécialités. Nous espérons atteindre une parité de 50/50, mais un changement aussi radical semble difficile à mettre en place rapidement ». Un objectif partagé par le Pr Minguet, qui se dit pour l’instant « satisfait que le pourcentage de 43 % de généralistes soit respecté, mais mon souhait – qui rejoint celui du Collège de médecine générale – est d’atteindre les 50 % ».
Des zones rurales en première ligne
Le Pr Cardon reste, lui, plus pessimiste : « Le nombre d’assistants qui seront diplômés en médecine générale dans les prochaines années est encore bien insuffisant et le restera probablement pendant plusieurs années. La démographie médicale continuera à baisser, notamment dans certaines régions. Plus la pénurie est importante, moins les jeunes médecins sont enclins à s’installer dans ces zones, sauf s’ils en sont originaires (et encore !). Malgré une légère augmentation du nombre d’étudiants, on est encore loin de combler les besoins estimés à 12 000 généralistes. La situation est d’autant plus préoccupante que la profession évolue et que des moyens supplémentaires seront nécessaires pour maintenir une première ligne de soins efficiente. »
L’initiative de l’UNamur pour lutter contre la désertification médicale
Le Dr Dominique Henrion, responsable du master de spécialisation en médecine générale à l’Université de Namur (UNamur), abonde dans ce sens, tout en précisant les efforts de son université pour remédier à la désertification médicale dans les zones rurales. Cette année, l’UNamur, en collaboration avec l’UCLouvain, ouvre un master de spécialisation en médecine générale spécifiquement orienté vers la médecine rurale. « Nous cherchons à attirer les futurs médecins généralistes dans les zones sous-dotées. Bien sûr, on ne peut pas les obliger à s’y installer, mais il faut rendre ces régions attractives. Les étudiants qui ont choisi Namur sont en phase avec cette démarche. Ils ont l’intention de pratiquer dans les provinces de Namur ou de Luxembourg et préfèrent éviter de longs déplacements pour leurs cours. C’est un facteur important », note le Dr Henrion. « En tout cas, les jeunes du premier contingent namurois sont très enthousiastes quant à la formule que nous leur proposons. C’est notre modeste contribution à la lutte contre la pénurie, même si cela ne suffira pas à tout résoudre. »
A noter que dans le cadre des primes Impulseo I, l'AVIQ à mis à jour la liste des zones en pénurie (valable pour une installation entre le 01/06/24 et le 31/12/25)