S’il est un ouvrage à se procurer d’urgence, «La médecine du futur : ces technologies qui nous sauvent déjà », est de ceux-là. Rédigé d’une plume limpide et érudite par le Pr Philippe Coucke, le livre dresse un panorama des nouveaux dispositifs de santé issus des nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives  (NBIC) et esquisse les traits de la médecine « du futur », sans éluder les questions -parfois dérangeantes- qu’elle soulève…

Robotisation, impression 3 D, IA envahissent le monde du travail, de la mobilité, de l’habitat à une allure d’autant plus phénoménale que ces technologies s’hybrident et s’entre-alimentent pour former un écosystème qui va bouleverser le monde que nous connaissons. Et la médecine aussi. Le premier enjeu de cet ouvrage est de lever l’état d’exception dans lequel certains voudraient confiner la médecine, comme si ce métier vieux comme l’homme, pouvait échapper aux mutations de ses techniques, de sa science -quand il paraît de plus en plus clair avec l’IA, l’impression 3D, les biotechnologies que l’homme lui-même, réparé, augmenté, n’y échappera pas… 

L’impératif n’est plus d’esquiver la révolution des NBIC, mais d’en orienter démocratiquement le cours, d’en gouverner le sens pour qu’elle soit au bénéfice de l’humain. Or, pour cela, il faut a minima  se former aux technologies émergentes, en comprendre l’ordonnancement et l’impact, en évaluer les effets sur l’exercice de la médecine et tous ses acteurs (patients, médecins, hôpitaux, industrie, mutualités,  autorités politiques, etc). 

Pour faire voir jusqu’où et comment les NBIC sont d’ores et déjà capables de révolutionner la médecine, le Pr Philippe Coucke, chef du service de radiothérapie au CHU de Liège et professeur en radiothérapie à l’Université de Liège, s’appuie sur un procédé dont il faut louer l’intelligence et l’efficace :  reprendre les séquences traditionnelles de la démarche médicale (anamnèse ; examen clinique, test et diagnostic ; décision thérapeutique, administration des soins ; adhésion thérapeutique ; suivi et organisation des soins, règlementation) et montrer comment des (nano-bio-robot)-technologies déjà opérationnelles ou en cours de développement vont radicalement les transformer. Ainsi, de l’utilisation de chatbots (programmes d’IA communicants) pour réaliser une anamnèse médicale, des applications de diagnostic ou encore des tests à domicile faiblement invasifs.

Ce premier aperçu très étoffé des NBIC en santé (dont certaines sont source d’émerveillement comme d’inquiétude) est et n’est qu’une première étape, qui fait voir, à chaque séquence de la démarche médicale, le potentiel de substitution des nouvelles technologies. Mais en réalité, ces technologies n’ont pas vocation à laisser la médecine en l’état, juste plus technicisée. Elles ont vocation à en modifier la structure et l’exercice de fond en comble. Ainsi en sera-t-il lorsque le décryptage du génome de chaque individu permettra de prévenir les pathologies graves ou potentiellement invalidantes, ou lorsqu’il sera possible d’organiser un suivi constant et contextué des principaux paramètres vitaux via puces ou patchs et de corriger immédiatement tout écart à la norme médicale.

Aussi richement illustré qu’agréable et passionnant à lire, l’ouvrage de Philippe Coucke  soulève simultanément les questions que posent la révolution des NBIC: comment s’organisera la santé ? quel sera le rôle du médecin ? Quel patient lui fera face ? Qu’en sera-t-il de l’homme augmenté, trans -ou post-humanisé ? Des questions auxquelles, collectivement formés et informés, nous devrons répondre.

«La médecine du futur : ces technologies qui nous sauvent déjà »paru chez Mardaga, dans la collection "santé" dirigée par le Pr Frédéric Thys. Aussi disponible en format kindle sur Amazon

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