Les Conseils médicaux Saint-Pierre et Brugmann inquiets face à la privatisation du LHUB 

Les Conseils médicaux Saint-Pierre et Brugmann vont se réunir cette semaine et la semaine prochaine et ils vont interroger leur assemblée générale qui devra prendre position pour ou contre ce projet de privatiser  le Laboratoire Hospitalier Universitaire de Bruxelles (LHUB) dans une ASBL de droit privé, “hors du contrôle des hôpitaux et des conseils médicaux “

Les dossiers des hôpitaux bruxellois sont très complexes. Petit rappel, il y a le dossier du réseau Chorus dans lequel les conseils médicaux des hôpitaux Saint-Pierre et Brugmann se sont tournés vers le Conseil d’Etat. Ils estiment ne pas être entendus après avoir rendu « un avis négatif qui n’a pas été écouté » par les autorités académiques et politiques.

A présent, il y a le dossier du LHUB qui est une association de fait entre les 4 hôpitaux de la Ville de Bruxelles depuis 2012 (anciennement appelé IRIS lab)...et ensuite avec l'hôpital Erasme depuis 2015. Le LHUB-ULB, c’est le Laboratoire Hospitalier Universitaire de Bruxelles.  Les Professeurs Jacques Jani et Vincent Ninane, présidents des Conseils médicaux de Saint-Pierre et Brugmann, dans un courrier qu’ils viennent d’adresser à tous les médecins de leur institution, sont inquiets de l’évolution du LHUB : « Cette association n’a pas de forme juridique et ne peut être l’employeur légal des personnes qui y travaillent. Cette absence d’entité juridique a nécessité le maintien des activités et de la facturation du LHUB sous le contrôle direct de chacun des hôpitaux. Aujourd’hui, il est devenu légalement possible de doter le LHUB d’une entité juridique et c’est le projet des autorités de la Ville et de l’ULB : privatiser le LHUB dans une ASBL de droit privé, hors du contrôle des hôpitaux et des conseils médicaux. » 
Une privatisation qui pose question
Cette privatisation pose un problème aux médecins. Dans cette lettre envoyée à tous les médecins, ils soulignent qu’ils « n’ont jamais été consultés et que ce type de dossier ne peut pas se faire que sur des décisions politiques, il faut tenir compte de l’avis des médecins. » Ils annoncent qu’ils vont « réunir les conseils médicaux pour que face à des questions stratégiques pour nos hôpitaux nous convoquions dans chaque hôpital une assemblée générale des médecins hospitaliers qui sera amenée à se prononcer sur les points suivants : approuvez-vous le projet de constituer le LHUB en une entité autonome de droit privé et dans la négative, convient-il de confier à nouveau au labo de notre hôpital l’intégralité des activités de biologie clinique ? »
Un statut des médecins et biologistes déterminé par site
Dans le LHUB, les médecins sont tous salariés. « Chaque médecin a conservé le statut de son hôpital d’origine (=de son site). Ceci crée des disparités à la fois entre médecins de même grade (résident, CCA…) et entre pratiquement tous les compartiments de la rémunération (salaire fixe, assurance groupe, gardes…). Il y a des promesses politiques depuis toujours d’aligner les statuts des biologistes. Mais nous nous demandons comment cet alignement pourrait soudainement se produire alors que les caisses sont vides et que la marge du LHUB ne cesse de se dégrader ! » 
La réforme Vandenbroucke annonce en plus une forte réduction des honoraires de biologie clinique. « On nous fait miroiter que le seul moyen d’aligner les statuts sera d’autonomiser le LHUB dans une structure privée avec un statut unique pour les biologistes. Mais les biologistes ont-ils envie de quitter leurs hôpitaux et leurs collègues pour rejoindre une entité privée ? Une entité où ils ne seront plus représentés par aucun conseil médical ? »
Le LHUB est un centre de coût pour les hôpitaux associés
Un autre principe fondamental acté à la conception du LHUB, est le principe du « centre de coût ». « Cela signifie le LHUB gère uniquement les coûts liés aux activités de laboratoire (personnel, matériel, amortissements) mais que toutes les recettes et honoraires de biologie clinique sont directement perçues par les hôpitaux. Les hôpitaux gèrent en direct la facturation vers l’INAMI. Les coûts des activités de laboratoire sont décortiqués précisément et ensuite refacturés aux hôpitaux en étant inclus dans le fameux « prix du b par site ». »
Si le LHUB est rendu autonome dans une structure d’ASBL, il gérera en direct la facturation vers l’INAMI et percevra en direct tous les honoraires de biologie. « On voit bien l’immense menace que cela représente pour les hôpitaux Saint-Pierre et Brugmann. Comment ces honoraires seront-ils redistribués? Qui gérera la facturation des analyses ? Pour rappel, Erasme depuis plusieurs années accumule des dettes envers Brugmann et Saint-Pierre dans le LHUB : jusqu’à 5 millions d'euros par an ! Nous avons dû à plusieurs reprises saisir formellement nos conseils d’administration et menacer d’un procès pour que cet argent soit rendu. Comment avoir confiance dans de tels partenaires ? Et demain dans une ASBL autonome, à votre avis, que se passera-t-il? » précisent-ils dans leur courrier. 
On le voit le dossier est complexe et va retenir l’attention des médecins. Pour connaître tous les détails de ce dossier, voici le texte complet de la lettre ci-dessous.
> Lire la lettre en référence

  • LA LETTRE
    Chèr(e)s confrères,
    Nous revenons vers vous concernant le dossier du LHUB. Il s’agit d’un dossier complexe mais pour lequel nous devons rapidement nous positionner.
    Pour ceux d’entre vous qui n'ont pas une connaissance sur le fonctionnement du LHUB, les racines des conflits, nous avons essayé d’établir un cadastre simple de la situation.
    1.      Histoire et principes fondateurs du LHUB
    a)     Une association de fait sans entité juridique
    Le LHUB est une association de fait entre les 4 hôpitaux de la Ville de Bruxelles depuis 2012 (anciennement appelé IRIS lab), et ensuite avec Erasme depuis 2015. Cette association n’a donc pas de forme juridique et ne peut être l’employeur légal des personnes qui y travaillent. Cette absence d’entité juridique a nécessité le maintien des activités et de la facturation du LHUB sous le contrôle direct de chacun des hôpitaux.
    Aujourd’hui, il est devenu légalement possible de doter le LHUB d’une entité juridique et c’est le projet des autorités de la Ville et de l’ULB : privatiser le LHUB dans une ASBL de droit privé, hors du contrôle des hôpitaux et des conseils médicaux.
    b)     Une productivité inefficiente à Erasme
    Erasme a intégré le LHUB en 2015. En rejoignant le LHUB, Erasme a apporté environ 6 millions d’analyses supplémentaires (+ 50 % par rapport à la baseline Ville) et environ 200 ETP supplémentaires (+100% par rapport à la baseline Ville). Le laboratoire d’Erasme avait donc une productivité nettement moins élevée que dans les hôpitaux de la Ville en raison d’une pléthore de personnel. Aucune réorganisation du personnel n’a été correctement réalisée contrairement aux autres sites et la plupart des diminutions enregistrées sur le site d’Anderlecht sont dues à des départs non souhaités. Les autres sites doivent régulièrement compenser cette désorganisation.
    L’ouverture de l’entité à Erasme a été scellée sur une très mauvaise base. En effet, il aurait été promis à Erasme un gain de productivité en rejoignant le LHUB. Cette promesse ne reposait que sur une vision osmotique de la productivité : comme les labos de la Ville étaient plus productifs que celui d’Erasme, à leur contact et par osmose la productivité d’Erasme allait augmenter. Ceci ne s’est évidemment pas produit.
    c)      Un prix des analyses déterminé par site
    Les hôpitaux fondateurs ont donc amené dans le LHUB des labos dont la productivité de départ était radicalement différente. Afin d’éviter un effet d’aubaine pour Erasme, il a été décidé de maintenir un « prix du b » par site. Le « b » correspondant à la moyenne du prix coûtant des analyses de chaque service.
    Concrètement, cela veut dire que, pour les analyses demandées, chaque site paie un prix qui reflète la productivité de son labo local (personnel, machines, réactifs, locaux,…) pour les analyses réalisées sur son site.
    Depuis toujours Erasme demande un prix unique, on comprend pourquoi ! Ceci équivaudrait immédiatement à un appauvrissement de Brugmann et Saint-Pierre, puisque notre prix est actuellement meilleur, en raison d’une meilleure productivité.
    Par ailleurs, le coût du b des sites Brugmann et Saint-Pierre est surestimé puisqu’on impute sur ses sites les timats de gens qui ne prestent presque pas ou pas du tout sur ses sites. Il s’agit là encore une manière de répercuter les frais d’un site sur les autres.
    d)     Un statut des médecins et biologistes déterminé par site
    Dans le LHUB les médecins sont tous salariés. Chaque médecin a conservé le statut de son hôpital d’origine (=de son site). Ceci crée des disparités à la fois entre médecins de même grade (résident, CCA…) et entre pratiquement tous les compartiments de la rémunération (salaire fixe, assurance groupe, gardes…). Il y a des promesses politiques depuis toujours d’aligner les statuts des biologistes. Mais nous nous demandons comment cet alignement pourrait soudainement se produire alors que les caisses sont vides et que la marge du LHUB ne cesse de se dégrader ! La réforme Vandenbroucke annonce en plus une forte réduction des honoraires de biologie clinique.
    On nous fait miroiter que le seul moyen d’aligner les statuts sera d’autonomiser le LHUB dans une structure privée avec un statut unique pour les biologistes. Mais les biologistes ont-ils envie de quitter leurs hôpitaux et leurs collègues pour rejoindre une entité privée ? Une entité où ils ne seront plus représentés par aucun conseil médical ?
    e)      Le LHUB est un centre de coût pour les hôpitaux associés
    Un autre principe fondamental acté à la conception du LHUB, est le principe du « centre de coût ». Cela signifie le LHUB gère uniquement les coûts liés aux activités de laboratoire (personnel, matériel, amortissements) mais que toutes les recettes et honoraires de biologie clinique sont directement perçues par les hôpitaux. Les hôpitaux gèrent en direct la facturation vers l’INAMI. Les coûts des activités de laboratoire sont décortiqués précisément et ensuite refacturés aux hôpitaux en étant inclus dans le fameux « prix du b par site ».
    Si le LHUB est rendu autonome dans une structure d’ASBL, il gérera en direct la facturation vers l’INAMI et percevra en direct tous les honoraires de biologie. On voit bien l’immense menace que cela représente pour Saint-Pierre et Brugmann. Comment ces honoraires seront-ils redistribués? Qui gérera la facturation des analyses ? Pour rappel, Erasme depuis plusieurs années accumule des dettes envers Brugmann et Saint-Pierre dans le LHUB : jusqu’à 5M Euros par an ! Nous avons dû à plusieurs reprises saisir formellement nos conseils d’administration et menacer d’un procès pour que cet argent soit rendu. Comment avoir confiance dans de tels partenaires ? Et demain dans une ASBL autonome, à votre avis, que se passera-t-il?
    La voracité financière du LHUB n’a pas de limite. Contrairement aux accords historiques, le LHUB ne cesse de réclamer sa quote-part de l’exonération de précompte des chercheurs de Brugmann et Saint-Pierre. Pour en faire quoi ? Puisque le labo est censé travailler pour les hôpitaux et leur apporter une marge, pourquoi se battre pour nous retirer ce financement?
    2.      L’impasse actuelle
    Comme nous le savons tous, le fonctionnement actuel du LHUB est complètement bloqué et nous mène dans une impasse.
    Après 5 ans d’existence, le LHUB n’a toujours pas consolidé l’entièreté de ces analyses spécialisées (celles qui demandent une intervention humaine significative et qui sont donc assez coûteuses).
    En pratique, le LHUB est géré comme trois laboratoires différents avec un agrément commun. Or la productivité très différente des sites, et en particulier à Erasme, empêche toute réelle « fusion égalitaire » de nos labos. Erasme n’a d’ailleurs aucune envie d’évoluer vers cette fusion, puisqu’il a mené une campagne extrêmement violente pour mettre la main sur le laboratoire d’hématologie spécialisée de Saint-Pierre. Tout ceci sans aucun avis demandé au Conseil Médical…
    Actuellement, l’activité du LHUB repose pour la toute grosse majorité sur le recrutement des hôpitaux, l’activité ambulatoire n’a pas été développée, et l’activité de sous-traitance des hôpitaux publics aurait été à plusieurs reprises détournées sans la vigilance des hôpitaux vers le site d’Erasme qui defacto percevrait les honoraires correspondants. Ce point reste critique puisque l’avenant de la nouvelle convention ne mentionne même plus le site de Saint Pierre comme étant le site central et que le souhait du LHUB est de centraliser la sous-traitance sur le site central.
    Par ailleurs, on nous a demandé de signer un chèque en blanc puisque cette nouvelle convention ne précise même plus le mode de calcul du b.
    Toujours dans le cadre de l’activité ambulatoire, la relation entre le laboratoire IBC ULB (https://www.ulb-ibc.be détenu à 50/50 par l’ULB et le Chirec) et le site Anderlecht est pour le moins floue puisque certaines analyses y sont encore envoyées.
    3.      Le futur
    Etant donné que les autorités de la Ville et de l’ULB ont pris la décision, à contre-courant de l’histoire et du bon sens, de déménager l’hématologie spéciale à Anderlecht, nous considérons qu’il s’agit là d’une décision qui acte la fin du LHUB et la fin d’un projet de laboratoire commun. La mascarade a assez duré.

    Le Conseil Médical de Saint-Pierre ne marquera jamais son accord par avis renforcé pour le transfert de l’activité d’hématologie spéciale à Anderlecht. Le Conseil Médical de Brugmann ne marquera jamais son accord pour le démantèlement du laboratoire d’immunologie situé sur son site dans ces conditions.

    Toute l’activité générée sur chaque site va continuer à être analysée sur chaque site, comme c’est le cas actuellement. Très bien. Nous n’avons pas besoin d’un grand LHUB pour gérer cela. Chaque site peut très bien gérer son propre laboratoire, ses médecins biologistes et faire évoluer ses statuts comme il l’entend.

    Sachant que 7 années non pas permis à mettre en route de synergie constructive entre toutes les entités, la question doit être posée: ne convient-il pas de faire fonctionner à nouveau nos labos de manière convenable en supprimant les couches d’administration inutiles et les transferts injustifiés ce qui permettra d’améliorer le statut financier de nos biologistes issus de Brugmann et de Saint-Pierre ?

    Nous allons réunir nos conseils médicaux pour que face à des questions stratégiques pour nos hôpitaux nous convoquions dans chaque hôpital une assemblée générale des médecins hospitaliers qui sera amenée à se prononcer sur les points suivants :
    -approuvez-vous le projet de constituer le LHUB en une entité autonome de droit privé;
    -dans la négative, convient-il de confier à nouveau au labo de notre hôpital l’intégralité des activités de biologie clinique.


    Bien confraternellement,

    Prof. Jacques JANI
    Prof. Vincent NINANE

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  • Yves Van Crombrugge

    21 février 2022

    Seul un juriste averti peut réagir à : / Les Conseils médicaux Saint-Pierre et Brugmann inquiets face à la privatisation du LHUB /