C’est en substance l’avis publié il y a quelques jours par le Comité consultatif de bioéthique de Belgique (1). Et à le lire, il est effectivement permis de douter de l’indépendance de ces médecins-conseils engagés par l’Etat.
Les premières plaintes ont été déposées il y a environ trois ans par des généralistes de la région germanophone qui s’estimaient complètement ignorés par des médecins fonctionnaires et qui ont été relayés par Harald Mollers, le ministre de la Famille, de la Santé et des Affaires sociales. Ces médecins-conseils ont pour mission d’émettre un avis sur les dossiers médicaux des étrangers qui séjournent en Belgique et qui souffrent d’une maladie grave ou courent un risque réel lorsqu’il n’existe aucun traitement adéquat dans leur pays d’origine ou dans le pays où ils séjournent. L’enjeu est clair: dans ces circonstances, accorder ou refuser une autorisation de séjour aux personnes concernées. Or, d’après l’enquête du Comité, «le fonctionnaire médecin, lorsqu’il ne partage pas l’avis exprimé par le médecin traitant, ne prend quasiment jamais contact avec ce dernier, n’examine pas l’étranger et ne demande pas l’avis complémentaire d’experts».
Pour le Comité de bioéthique, cette problématique concerne non seulement l’Office des étrangers, mais aussi le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. L’Ordre des médecins a également été interpellé, tout comme le médiateur fédéral, qui devrait remettre son rapport fin de ce mois à la Chambre. Les deux responsables de ces services ont été auditionnés par le Comité. Leur conception diffère complètement: selon eux, le médecin fonctionnaire ne serait pas à considérer comme médecin traitant du patient lorsqu’il émet un avis sur son dossier médical. En conséquence, les obligations déontologiques ne le concerneraient pas, et cela les libérerait de prendre l’avis des médecins traitants. Autrement dit encore, donner un avis médical ne serait pas poser un acte médical.
Cette position des fonctionnaires est-elle défendable? Qu’il soit permis d’en douter à la lecture des dernières offres d’emploi de tels médecins, comme le Selor en a publiées récemment (2), car le descriptif de la fonction a de quoi faire réfléchir. D’un côté, on affirme aux futurs médecins-conseils que leur appréciation du cas concerné, «sur base du dossier médical (…), n’est ni d’ordre diagnostique ni d’ordre pronostique et [qu’ils n’ont] donc pas, avec le demandeur, une relation de médecin à patient». Mais d’autre part, les candidats se voient autorisés, «s’ils l’estiment nécessaire, [de] soumettre le demandeur à un examen clinique ou recueillir l’avis complémentaire d’experts désignés». Et quoiqu’il en soit, ces deux derniers mots donnent à penser que la place accordée à l’avis du médecin traitant est bel et bien limitée.
1. http://www.health.belgium.be/sites/default/files/uploads/fields/fpshealth_theme_file/avis_65_etrangers_probl_graves_de_sante.pdf 2. https://www.selor.be/fr/emplois/job/AFG16086/M-decin-Conseil-pour-l-Office-des-Etrangers-m-f-x-