Que pensent les syndicats médicaux de lignes directrices sur l’incapacité de travail?

Dans le cadre des projets entourant la négociation pour la formation d’un gouvernement, la problématique des incapacités de travail a été mise sur la table, en raison du lourd budget qu’elles impliquent. Il avait été question d’élaborer des lignes directrices et de sanctionner les abus. Qu’en pensent les syndicats médicaux ?

L’idée de réaménager le travail dès le premier jour de maladie et/ou de réfléchir dès le début de l’incapacité à la réinsertion future pourrait être développée, estime le Dr Anne Gillet (GBO). « Mais il ne faut pas sous-estimer les obstacles réels sur le terrain, en premier lieu ceux provenant des employeurs. »

Le formateur avait inscrit dans sa note de négociation le remplacement du certificat d’incapacité par une sorte de certificat d’aptitude. Le GBO fait remarquer la difficulté à préciser tout ce qu’un travailleur peut faire et propose plutôt de préciser ce qu’il ne peut pas faire, en fonction de son état de santé et de son poste de travail. Une bonne collaboration avec les médecins-conseils et les médecins du travail est hautement souhaitable. Cependant, ces professions manquent d’effectifs et ne peuvent donc exercer leur rôle de façon optimale. « Nous espérons beaucoup du "TRIO" constitué par le médecin traitant et ces deux professions, un contact triangulaire que nous attendons depuis longtemps », ajoute-t-elle.

Des lignes directrices établies scientifiquement

Qu’en est-il des lignes directrices ? Pour le GBO, la profession médicale doit prendre ses responsabilités et affiner l’adéquation entre les incapacités de travail et les réalités des conditions de travail ainsi que les maladies dont souffrent les travailleurs. L’établissement de lignes directrices aidera les médecins dans la rédaction des ITT (incapacités temporaires de travail) mais ne pourra en aucun cas servir de pression, de contrainte ou d’argument juridique. L’Evidence-Based Practice montre bien que le travail d’un médecin s’inspire de lignes directrices établies scientifiquement, de son expérience clinique et des préférences et valeurs individuelles des patients. Nous ne saurons pas toujours quel est le sens caché derrière un syndrome de fatigue chronique : maltraitance ancienne ou actuelle ? Inadaptation ?...

Des sanctions ?

Sanctionner les médecins qui abusent ? « Oui, mais à condition de bien identifier les responsables et de ne pas généraliser. » Pour le GBO, il n’est pas question d’instaurer un climat de suspicion aveugle qui retomberait sur l’ensemble de la profession. Cela risquerait de décourager les médecins, qui pourraient en arriver à des prestations minimales pour se couvrir, alors que la société, dans le climat très délétère que nous connaissons pour la santé et les finances publiques, a besoin d’acteurs responsables.

Pas de recommandations coercitives

L’ABSyM, elle aussi, se dit ouverte à la discussion. « Nous ne sommes pas fermés à l’idée », déclare le Dr Elodie Brunel, administratrice. « Cela pourrait peut-être constituer une aide à la bonne pratique dans l’évaluation des incapacités de travail et des invalidités. Mais nous veillerons à ce que ces recommandations ne deviennent pas coercitives. »

Pour le Dr Brunel, le mieux serait une bonne collaboration entre le médecin traitant, le médecin-conseil de la mutuelle et le médecin du travail. Cela permettrait d’activer des leviers appropriés, selon elle, pour remettre les gens sur pied dans les meilleures conditions possibles, tant sur le plan physique et mental que financier. « Mais pour les patients, tout comme pour les médecins, il ne faudrait pas que cela devienne aveuglément obligatoire. »

À l’ABSyM, on se rend bien compte que, dans la pratique, cela va tout de même être compliqué d’y parvenir. « Pour une même pathologie », explique Elodie Brunel, « on peut se retrouver face à des patients très différents, en termes d’âge, de comorbidité, de psychologie ou du contexte socio-professionnel. Cela fait beaucoup de variables, sans compter les complications éventuelles de l’affection en cours. Il faudra maintenir la possibilité d’une adaptation au cas par cas. » Elle ajoute que cela implique aussi une éducation du patient. « Nous, médecins, avons une responsabilité vis-à-vis d’eux. Mais nous avons également une responsabilité sociétale. Les indemnités coûtent cher à la communauté et une incapacité non justifiée peut être délétère pour la personne elle-même. Il faut amener les patients à le comprendre. »

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