Moins 1/3 d’effectifs en 2018: les ravages de l’e-prescription sur un cercle hennuyer

L’association des MG de Baudour-Hautrage-Neufmaison-Tertre-Sirault-Villerot, dans le Hainaut, tire le signal d’alarme. L’e-prescription obligatoire va pousser vers la sortie, dès le début 2018, huit de ses membres, sur 21. Avec à la clef, une flambée de boulot pour les MG restants. «C’est tellement détaché des réalités de terrain, comme mesure, que cela en devient énorme», développe le trésorier du cercle, Thierry Marchal.

«Nous sommes tombés sur le derrière, lors de notre récente AG annuelle, début février. Nous avions inscrit à l’ordre du jour le point de l’e-prescription. Spontanément, pas moins de huit MG en exercice ont déclaré qu’ils mettraient un terme à leur carrière au 1er janvier prochain si l’obligation de prescription électronique se confirmait», relate le Dr Marchal. Puisqu’une seule installation est programmée prochainement, le cercle risque de passer de 21 à 14 actifs.

Ce n’est certes pas de gaité de cœur que ces confrères envisagent de raccrocher, mais la perspective de devoir passer par une informatisation pour continuer à pouvoir prescrire d’ici une dizaine de mois les décourage, résume Thierry Marchal. Lui-même fait partie de ces praticiens désabusés, dont l’âge oscille entre 45 et 79 ans. La plus jeune, par principe, ne veut pas d’un ordinateur comme barrière entre elle et le patient; les autres, qui ont pour la plupart de 60 à 65 ans, ne nourrissent pas d’opposition de principe mais pointent l’impraticabilité d’une informatisation tardive.

«J’ai moi-même 60 ans. Dans ces conditions-là, j’abandonne. Comment les autorités peuvent-elles imaginer que l’on va se mettre à transposer dans un logiciel 3-4.000 dossiers papier, pour être encore habilités à prescrire?», questionne le médecin hennuyer. «Par essence, on est courageux dans notre métier. Mais ce n’est juste pas envisageable. Cela pourrait être un travail à confier à un support administratif, mais qui va consentir pareil investissement à quelques encablures de la retraite?»

Il n’y a pas que la digitalisation d’anciens dossiers qui soulève des angoisses chez les moins aguerris à l’informatique. Pour créer et compléter un dossier informatisé au premier contact, il faudrait consacrer une demi-heure voire plus par patient, estime le trésorier. Un temps dont les confrères ne disposent plus forcément – «et certainement pas en période de grippe». Il faut savoir que, dans la région, au bout de deux petites années, les derniers arrivés sont amenés à refuser de nouveaux patients.

Il y a de toute évidence contradiction entre l’effet centrifuge d’une informatisation forcée et la problématique de la densité médicale. «Nous sommes dans un pays psychédélique. Les gouvernements successifs sont incapables de chiffrer combien nous sommes à réellement exercer la médecine générale, j’observe ça depuis le début de ma carrière. Il suffirait de téléphoner aux responsables des différents secteurs de garde pour se faire une idée. Nous, on le sait, qui est vraiment MG.» Peut-être le monde politique réagira-t-il davantage quand ce sera la population qui descendra dans la rue, parce qu’elle ne trouve plus de médecin traitant, projette Thierry Marchal.

Toujours est-il que, lors de l’AG, la vague de retraites annoncées a fortement surpris les médecins plus jeunes, qui eux sont davantage familiarisés avec l’outil informatique, rapporte le Dr Marchal. Ils ont d’autant mieux mesuré l’impact que cela aura sur leurs propres pratiques que, parmi ceux qui songent à arrêter, il y a de grosses patientèles, ajoute-t-il. Les jeunes MG ont demandé à ce que le bureau du cercle avertisse les autorités de la crise en puissance. «Nous avons donc envoyé un cri d’alarme tous azimuts. A la ministre De Block, tout d’abord, mais aussi au GBO, à l’ABSyM, à la SSMG, à l’Ordre des médecins, à la CMP…» Ce qu’espèrent les expéditeurs: qu’on revoie la mesure, pour qu’ils puissent continuer à pratiquer sereinement

La mort dans l’âme, mais…

Les MG de Baudour et environs ne sont pas les seuls à se sentir acculés à raccrocher prématurément. Voilà ce que nous écrit un MG exerçant à quelques kilomètres de là.

«75 ans, 49 de pratique en région assistée (mon cher Borinage). Pratique soutenue, sans rendez-vous et consultations ouvertes (le tiers-payant n'a rien arrangé). ll est évident que cette décision de notre consœur ne m'agrée pas du tout et si elle est maintenue en l'état, j'envisage d'arrêter ma pratique, avec beaucoup de regrets.»

Dr J A, Colfontaine

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