Le comité scientifique chargé d'évaluer la législation et la pratique de l'avortement en Belgique a recommandé vendredi de prolonger la limite gestationnelle maximale actuelle de l'avortement à la demande de la femme au minimum jusqu'à 18 semaines post-conception (ou 20 semaines d'aménorrhée).
La justification est double. Premièrement, l'accès financier à l'avortement: actuellement, souvent en raison de la limitation à 12 semaines post-conception, de 330 à 800 IVG sont pratiquées chaque année aux Pays-Bas par des femmes domiciliées en Belgique, ce qui génère des coûts supplémentaires et accroît les inégalités.
Deuxièmement, le stade de développement du fœtus a été pris en compte, tant pour des raisons médicales que morales, dans ce rapport de plus de 200 pages qui aborde la viabilité et la perception de la douleur pendant la vie fœtale.
Une telle extension nécessiterait toutefois de mettre en place de nouveaux établissements spécifiquement dédiés à l'avortement du deuxième trimestre, soit dans des centres adjacents à un hôpital, soit dans de nouvelles unités hospitalières, selon le comité co-présidé par Kristien Roelens (UGent) et Yvon Englert (ULB).
Si le comité s'est entendu sur une extension à "au moins 18 semaines", il n'y a en revanche pas de consensus sur une limite précise, à 18 ou 20 semaines.
Constitué, à la demande de la majorité parlementaire Vivaldi, des sept universités du pays qui forment des médecins, ce comité scientifique est né à la suite du blocage, par le CD&V, d'une proposition de loi PS cosignée par des députés de huit partis, qui réclame notamment cette extension à 18 semaines.
Son rapport, présenté vendredi à la presse, formule de nombreuses autres recommandations, comme la reconnaissance de l'avortement comme soin de santé ou la suppression du délai de réflexion de six jours (là où la proposition de loi envisage de le réduire à 48h).
Ce délai entre la première consultation et l'IVG elle-même, "est vécu comme humiliant, suggérant une immaturité des femmes auxquelles il faudrait imposer un délai de réflexion obligatoire, supposant qu'elles ne seraient pas aptes à le prévoir elles-mêmes", selon le rapport.
Quant à l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, le comité n'y voit pas vraiment d'intérêt, car d'importantes ingérences juridiques ou politiques seraient toujours possibles.
Vu la diminution, ces dernières années, du nombre d'IVG chez les jeunes de moins de 25 ans, en particulier chez les adolescentes, au contraire des IVG dans la tranche d'âge des 25-39 ans, le comité préconise d'étendre le remboursement de la contraception au-delà de 25 ans, en particulier pour les contraceptifs à longue durée d'action.
Eu égard aux situations difficiles dans lesquelles les femmes enceintes peuvent se retrouver, il recommande aussi de décriminaliser explicitement l'obtention ou la pratique d'une IVG en violation de la loi. Il relève du devoir des prestataires de soins de s'assurer du respect des conditions de la loi, dit le rapport.
Pour les praticiens qui enfreindraient les termes de la loi, il faudrait préférer des sanctions spécifiques à l'avortement dans la loi relative à l'IVG plutôt que des sanctions pénales générales, selon les experts.
La prévention et la formation font aussi l'objet d'une grande attention dans le rapport, de même que l'accès financier à l'avortement, avec certains membres préconisant la gratuité de l'IVG pour la femme, d'autres de faciliter l'accès à l'aide médicale urgente.
Autre élément remarquable: l'évolution des techniques d'IVG, le développement de l'IVG médicamenteuse, l'évolution du monde digital et les leçons de la gestion des IVG pendant la crise du covid "montrent qu'il est utile de développer des pratiques d'avortement à distance, voire d'avortement en partie autogéré".
> Découvrir la note de synthèse du rapport
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